À QUOI RÊVE L'ARAIGNÉE ?

de Michel NEDJAR
1981-1982 / Super 8mm / couleur / sonore / 1E / 55' 33

« Dans le noir, un bébé pleure : naissance ? souffrance ? Le bébé apparait à l’image ; des zooms avant/arrière incessants le font envahir tout le cadre visuel : c’est selon l’artiste une métaphore de la respiration ou de la palpitation du cœur. Le bébé nous regarde avec ses yeux innocents tandis que les cris cessent pour laisser place à des babillements ; nous sommes dans un en-deçà du langage. Ce ne serait pas faire injure à Michel Nedjar, au-delà de la symbolique de ce bébé dont les cris vont accompagner tout le déroulement du film, qu’il y a sans doute ici la résurgence d’un autre infans, celui de Stan Brakhage dans Dog Star Man, un hymne à l’innocence et à une vision non éduquée. À QUOI RÊVE L'ARAIGNÉE ? c’est le retour à Ithaque de Michel, à Aulnay-sous-Bois, pour une réunion de famille, après des voyages dans des pays lointains et des sphères culturelles ou sociétales non moins éloignées, un retour sur un monde et sa culture juive incarnée par le kaddish puis par une conversation dans une auto entre sa mère et sa tante. Sur le chemin du cimetière où repose sa grand-mère maternelle, Michel capte à l’insu des protagonistes, la conversation de ces deux femmes, faisant croire qu’il écoute son walkman. Après avoir évoqué les victimes familiales de la Shoah, cette mère évoque son propre retour sur sa culture juive grâce à Radio J, créée l’année précédente. Son écoute des langues qu’elle ne comprend peut-être pas : l’hébreu, le yiddish, les yiddishs, est celle d’une recomposition. Michel apparait à l’image, enfant à l’âge d’une dizaine d’années souriant devant la caméra de son père. Le projet du film est celui, introspectif, d’aller fouiller dans les archives d’un père craint, mal connu, absent de ce film et remplacé par celle du chien, dans lequel Michel voyait le Cerbère de la mythologie. Il s’agit d’aller chercher dans le regard du père, sauvegardé par la caméra 8mm, porté sur lui, et d’y trouver peut-être des réponses à des cassures familiales. Ce matériel cinématographique familial va composer la première partie du film : les images 8mm du père sont re-filmées par le fils, ralenties, parfois colorisées d’un filtre sépia ou vert, renforçant leur essentialisme primitif. L’ambiance visuelle est celle de l’intimisme, les images, organiques et auratiques, palpitent doucement. Dans ce long voyage dont ce film symbolise une forme de retour, il y a la volonté de puissance de Michel Nedjar vis-à-vis d’un père autoritaire, son refus de suivre la voie familiale du tailleur de père en fils, l’affirmation de son homosexualité et de sa vie d’artiste. Cassure comme processus immanent à la création pour que l’étincelle de lumière puisse se libérer, ainsi décrit par Isaac Louria dans la kabbale, avant que le démiurge redevenu homme, chez Nedjar avec ce film-retour, n’ait le devoir de réparer par un travail sur lui-même. Le paradigme du kaléidoscope s’est souvent imposé pour décrire la structure des films de Nedjar. Claude Levi Strauss dans La pensée sauvage avait lui-même utilisé la métaphore du kaléidoscope pour décrire un processus de recomposition structurale à partir d’un "procès de cassure" en bribes et morceaux disparates mais soumis à des contingences – peut-être cette palpitation charnelle du cinéma- qui reconstruisent ce qu’il appelle des "arrangements… actualis(a)nt des possibles". La seconde partie du film est celle de la catharsis proprement dite avec la présence de Teo Hernandez, en analyste du chemin parcouru depuis le premier film tourné par Michel avec cette même caméra 8mm du père aux Iles Baléares en 1965 puis leur rencontre, l’apprentissage du cinéma sur les traces de Pasolini avec Oranges du Maroc (1970) jusqu’à cette année 1982 qui voit un artiste cinéaste parfaitement accompli. » – Jean-Michel Bouhours (« Michel Nedjar. Filiations », Chamarande, Département de l'Essonne/Lienart Éditions, 2021)

L’ensemble de films de Michel Nedjar est disponible au MNAM/CCI Centre Pompidou.

1 COPIE EN DISTRIBUTION


format de distribution Fichier sur clé USB (FHD)
cadre de projection 1,37 - Standard (simple écran)
vitesse de projection 24 ips
son son
langue originale français
prix de location 188,00 €