DIGICODE

de ERIKM
2007 / Mini DV / couleur / silencieux / 1E / 2' 27




"Au commencement fut le feedback : des machines parlant toutes seules, répondant à leurs maîtres - supposés - par des hurlements de mésalliance. Peu à peu les humains ont appris à le contrôler, ou du moins c'est ce qu'ils ont cru, et l'étape suivante fut l'introduction de la distorsion et de sons artificiels, sous la forme du synthétiseur, que les humains cherchèrent également à contrôler. (...) Aujourd'hui, les machines ne se contentent pas de dépasser les humains qui les ont créés, mais les absorbent, jusqu'à ce que l'homme et la machine, ayant développé une conscience bien supérieure à eux, ne fassent plus qu'un." En 1975 déjà, Lester Bangs devinait en quoi la révolution industrielle digitale allait bouleverser le rapport du musicien à ses instruments, et comment, dans un tournant machinique de la sensibilité, allait émerger une nouvelle figure d'autorité artistique, celle de l'opérateur.
C'est précisément cette posture que DIGICODE met en scène, en auscultant de façon quasi chirurgicale et d'une manière totalement opposée à l'esthétique héroïque et très démonstrative des vidéos de turntablism traditionnel (celles de Grandmaster Flash par exemple), silencieusement, à la loupe, une série d'opérations qui définissent le rapport qu'entretient eRikm avec les prothèses digitales et électroniques qu'il utilise. Ce rapport à la technique semble consister dans une relation double, unissant d'un côté l'opérateur aux instruments générant les sons qu'il veut produire, et de l'autre sa pratique de la musique comme exercice de mémoire (la pratique de l'improvisation - qu'elle soit électronique on non - procédant d'une mnémotechnique, c'est à dire se constituant à partir des manques marquant des écarts entre les repères mnémoniques en quoi consiste tout souvenir musical) aux supports de la mémoire utilisés (ici la cassette audio, qui apparaît clairement comme une prothèse à laquelle a recours la mémoire de l'opérateur).
DIGICODE décrit le contact des extrémités du corps musicien avec les surfaces sensibles de ces machines digitales et numériques. Ce contact mène les doigts à s'inventer de nouvelles manières de faire, il conduit la main à repenser ses techniques de manipulation, jusque dans l'instrumentalisation du plus petit muscle. DIGICODE, en décrivant cette relation duelle où l'homme s'invente à travers l'instrument, écrit l'histoire d'un corps devenant lui-même instrument, d'une pensée de la main qui manipule.
Mais s'il est une question centrale qu'aborde DIGICODE, c'est l'absence apparente de son produite par les diverses manipulations des « machines à musique ». De ce silence, qui est avant tout la présence d'une absence, émerge un son fantôme, qui est lui-même l'affaire de chaque spectateur/auditeur, en tant qu'il devient la seule surface d'inscription valide de ce que la pratique d'eRikm révèle : « l'extrême technologique » qu'a atteint la musique contemporaine ayant multiplié frénétiquement les techniques de médiation, de diffusion et d'archivage du son, une nouvelle figure est née, celle de l'amateur, qui peut en permanence écouter de la musique sans savoir en jouer, et pour qui le silence, au delà de tout ce qu'il peut faire « advenir » (John Cage), est devenu une surface vide sur laquelle s'inscrivent les traces de son expérience continue de la musique et de sa conscience aiguë du répertoire.
Le silence de DIGICODE est le terrain de la possibilité d'un effacement, où persistent les spectres de nos souvenirs, persistance qui a volé dans le décor et se réinvente sans cesse à travers ce que ce devenir technologique de la musique permet de mettre en oeuvre de nouveaux chantiers du sensible.(Vincent Normand)

1 COPIE EN DISTRIBUTION


format de distribution Fichier sur serveur (SD)
cadre de projection 4/3 (simple écran)
vitesse de projection 50 ips
son son
prix de location 22,00 €