BLED

de Siegfried Alexander FRUHAUF
2007 / Betacam SP / couleur / sonore / 1E / 3' 15




Le regard adressé à la caméra témoigne de la conscience qu’il y a, face aux images générées, quelqu’un qui regarde lui aussi. (Siegfried A. Fruhauf)

« Kinan di leid wider bled schaun heid / kinan di leid wider bled schaun. »* C’est un distique répétitif aux allures de mantra qui constitue la trame textuelle de bled, un morceau du groupe Attwenger. Un distique qui, tout au long du morceau, ne cesse de s’étoffer pour finir par former une boucle que viennent encore renforcer un rythme bancal et des passages d’accordéon ou de musique électronique semés ça et là au petit bonheur. Un peu à la façon d’un moulin à prières qui ne tournerait pas rond, cette formule invocatoire se répète jusqu’à ce que sa signification, tout comme son intonation, se mettent à se dissoudre peu à peu dans l’arrière-plan sonore.
C’est un processus similaire qui se déroule au niveau de l’image. À partir du portrait d’un homme (le réalisateur lui-même) dont la tête se tourne lentement vers l’observateur, Siegfried A. Fruhauf entreprend toute une série de transformations : dissolution de l’image filmée dans son propre grain, effets numériques de hachures ou d’autoréflexion et, finalement, traitement dans un style qui évoque le dessin et une peinture pâteuse prestement exécutée au couteau. Alors que le regard posé sur la caméra (le fameux faux-pas qui, dans le cinéma classique, invalide la prise de vue) est décomposé sur le plan visuel, cette scène fondamentale de la rupture avec la fiction fait l’objet d’une désagrégation qui participe d’une grande éloquence rythmique. Dans toutes ses variantes, la tête se voit à chaque fois débitée en textures matérielles qui dessinent une sorte d’ossature formelle apparaissant derrière l’objet concret.
En allemand dialectal, « blöd schauen » ne veut pas seulement dire « regarder bêtement sans réagir », mais surtout « bayer aux corneilles » en affichant une mimique qui provoque l’agressivité. En prenant cette tournure au premier degré et en lui apposant un équivalent visuel, Fruhauf retire à ce regard toute son expressivité. Si elle est déformée de façon appropriée, toute forme de bêtise a elle aussi ses limites. (Christian Höller)

* Können die Leute wieder blöd schauen heut’ / können die Leute wieder blöd schauen (C’est fou, ce que les gens peuvent avoir l’air con, aujourd’hui / c’est fou, ce que les gens peuvent avoir l’air con)

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