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Projection / 3 novembre 2015

LAV DIAZ. LES TRÈS RICHES HEURES

Reconnu comme le « père idéologique du nouveau cinéma philippin », Lav Diaz a été régulièrement donné en exemple par de jeunes cinéastes dont les œuvres ont marqué l’émergence d’une « nouvelle vague » philippine dans les années 2000. Ponctuée de rencontres avec le cinéaste et d’autres invités, cette rétrospective présente la quasi-totalité des films de Lav Diaz pour la première fois en France du 3 novembre au 5 décembre 2015 au Jeu de Paume dans le cadre du Festival d’Automne.

La particularité du cinéma de Lav Diaz tient à la précision d’une approche à la fois esthétique et discursive. Mais ce cinéma n’est pas voué au seul bénéfice d’une émancipation des codes esthétiques du cinéma d’importation. L’ampleur et la beauté de son travail suffisent à justifier que ses films, dont beaucoup sont ici inédits, soient enfin montrés en France de manière conséquente. Lav Diaz a reçu le Léopard d’or au Festival international du film de Locarno 2014, pour son film Mula sa kung ano ang noon (From What is Before).

Le cinéaste Lino Brocka concédait trois films au désir de ses producteurs afin de pouvoir en faire un qui n’obéisse qu’à sa propre exigence : éveiller la conscience du public philippin ou réaffirmer sa détermination à une époque où le cinéma servait l’état de stupeur voulu par la dictature de Ferdinand Marcos. Le numérique a permis à Lav Diaz d’hériter de Brocka en se libérant d’un tel pacte. Figure majeure du cinéma contemporain, il signe depuis le début des années 2000 des films qui arrachent le cinéma aux contraintes de l’industrie, et l’individu philippin à son sort tragique.

Ce sort est emblématique de la condition postcoloniale. Les Philippines ont subi trois siècles de domination espagnole, cinq décennies de tutelle américaine, une occupation japonaise et la loi martiale du régime de Marcos, que Lav Diaz considère comme le quatrième cataclysme de l’histoire du pays, par ailleurs continuellement soumis aux catastrophes naturelles. D’Evolution of a Filipino Family (commencé en 16 mm en 1994 et achevé dix ans plus tard en DV après avoir surmonté de multiples avaries) à From What is Before (grand prix du Festival de Locarno en 2014) et Storm Children, il expose et combat l’héritage du dictateur et des colons en racontant les histoires d’individus en lutte contre la pauvreté, la tyrannie, l’aliénation et la dévastation. Paysans expropriés, villageois rescapés, femmes abusées, artistes tourmentés, activistes passés dans la clandestinité : pour Lav Diaz, « l’histoire d’un individu philippin est l’histoire de la lutte philippine ».

Si Lino Brocka est une figure incontournable pour tout cinéaste de l’archipel, les influences de Lav Diaz sont plus variées. Nourri par les mélodrames, le rock, Dostoïevski, Tarkovski ou Béla Tarr, il marie une conscience politique aiguë à un intérêt prononcé pour les formes narratives populaires et les récits pastoraux. Bien que ses films reposent généralement sur des structures narratives classiques, elles font l’objet d’un étirement radical qui vise à produire un sentiment du temps sui generis.

Selon lui, la psyché philippine a en effet hérité de ses ancêtres malais une sensibilité selon laquelle ce n’est pas le temps qui gouverne l’espace, mais l’inverse. La longue durée notoire de ses films ne signale ainsi ni une coquetterie expérimentale ni une mégalomanie monumentale, mais la reconquête d’une sensibilité refoulée par l’imposition de la liturgie et du productivisme de l’Occident.

À celles-ci, Lav Diaz oppose dans sa méthode même une vision opposée et foncièrement généreuse. Chaque film est l’occasion d’un long séjour, souvent dans des régions éloignées des préoccupations de l’État. La fiction émerge organiquement au fil des imprévus, des contributions, des idées spontanées et des réécritures acharnées, au gré du labeur et de la grâce.

Ce cycle est l’occasion de découvrir un pan du cinéma contemporain largement inédit en France, rivalisant en grandeur et en beauté avec les œuvres de Wang Bing et de Pedro Costa.

Programmation : Antoine Thirion, critique de films et programmateur.

La rétrospective "Lav Diaz. Les très riches heures" est organisée en partenariat avec le Festival d'Automne à Paris, la Cinémathèque royale de Belgique, Courtisane, et BOZAR, avec la collaboration de Shellac, l'aide de l'ambassade des Philippines à Paris, et la complicité de Phantom, Dissidenz films, MUBI et Light Cone.

PLUS D'INFORMATIONS

lieu Jeu de Paume
1, place de la Concorde
75008 Paris
France
tel +33 1 47 03 12 50
lien en relation http://www.jeudepaume.org