En 2006, on a pu voir à Helsinki, dans le cadre du festival Avanto, une importante rétrospective de l’histoire du cinéma expérimental et des prémices de l’art médiatique finlandais. Sous le titre de Sähkömetsä (« Forêt électrique »), le public a notamment pu découvrir des films underground des années 60 et des œuvres de pionniers de l’art vidéo datant du début des années 80. Les Archives centrales des arts plastiques ont publié en avril 2007 un ouvrage du même nom, qui donne un ambitieux coup d’envoi à la recherche naissante dans ce domaine.
Les deux séries de films présentées ce printemps par Forêt électrique comprennent des œuvres-clé rarement vues ou totalement oubliées. Le Programme 1 est entièrement consacré à l’œuvre d’Eino Ruutsalo et de Pasi « Sleeping » Myllymäki, respectivement originaires de Helsinki et de Hämeenlinna. Le Programme 2 rassemble différentes expérimentations formelles qui ne s’embarrassent guère des règles traditionnelles de la narration cinématographique.
Eino Ruutsalo (1921-2001) était un plasticien éclectique dont le travail, spontané, couvrait des domaines aussi variés que la peinture à l’huile, les sculptures cinétiques, la gravure ou le cinéma. De 1962 à 1967, il a réalisé une série saisissante de courts métrages qu’il qualifiait lui-même de « films expérimentaux ». Dans ces explosions d’énergie concentrée, le contenu de l’expression se trouve dans le potentiel inexploré de la pellicule elle-même. La manipulation directe de l’émulsion, à la main (en peignant, écrivant, décapant, trouant, grattant), produit dans le meilleur des cas l’impression hystérique et palpitante d’un mouvement cinétique magique, comme on n’en trouve que dans le cinéma. « Je ne voulais pas seulement avoir une connaissance théorique de la pellicule, mais aussi entrer en contact direct et concret avec elle », a écrit Ruutsalo.
Dans les années 60, l’artiste, toujours pressé, a aussi tourné des publicités, des films de commande et quatre longs métrages de fiction qui n’ont été compris à l’époque ni par la critique ni par le public. Au total, on doit à Ruutsalo la réalisation de pas moins de 132 « produits cinématographiques », comme il les appelait lui-même.
Pasi Myllymäki (né en 1950), graphiste à la verrerie d’Iittala, a commencé à concevoir ses propres films sous l’impulsion de la philosophie du Do It Yourself du mouvement punk. Ne possédant pas de matériel, il s’est associé à Risto Laakkonen, cinéaste amateur propriétaire d’une caméra super-huit, qui travaillait dans l’imprimerie. Ensemble, ils ont réalisé plus de 40 courts métrages, de 1976 à 1985, en y consacrant leurs soirées, leurs week-ends et leurs vacances.
« On ne devrait plus considérer le cinéma comme un rêve. Avant, le spectateur regardait tranquillement de l’extérieur ce qui arrivait aux acteurs du film. Mais aujourd’hui, c’est au spectateur qu’il arrive des choses. Nous sommes entrés dans l’ère du cinéma direct », a écrit Myllymäki, exposant en 1979 sa vision du cinéma dans le journal Uuden ajan aura. Les courts métrages de Myllymäki et Laakkonen n’ont en tout cas jamais été montrés à leur époque dans des manifestations cinématographiques officielles, mais uniquement lors de projections de cinéastes amateurs ou de rencontres musicales de la nouvelle vague. Myllymäki a par ailleurs publié de 1979 à 1982 neuf numéros d’un fanzine de format A6 intitulé Maanalainen kaitaelokuva (« Le Film d’amateur souterrain »).
L’avant-gardisme cinématographique de Ruutsalo et de Myllymäki n’a fait des émules qu’en 1989, avec la fondation, par un groupe de jeunes plasticiens, de l’association Helsingin elokuvapaja (HEP). Les membres les plus actifs de cet atelier de cinéma ont été, à ses débuts, les frères Sami et Juha van Ingen, Seppo Renvall, Denise Ziegler et Mikko Maasalo. L’enthousiasme collectif de HEP a donné naissance, en l’espace de quelques années, à un nombre étonnant de superbes films instantanés. Le plus surprenant est que la plupart d’entre eux ont été réalisés avec un budget inexistant sur de la pellicule 16 mm, à l’aide de vieilles caméras, de développeuses et d’une imprimante optique. Les œuvres primitives les plus réussies de HEP parviennent à donner l’impression d’une totale réinvention du cinéma.
Le Programme 2 proposera, en plus de perles rares de HEP, une magnifique improvisation collective de blow-up réalisée par des étudiants en cinéma, le film testament destructif Kinescope de Ruutsalo et la fantaisie psychédélique Flora & Fauna du cybernéticien Erkki Kurenniemi. Le spectaculaire Routemaster d’Ilppo Pohjola nous conduira vers les années 2000, à bord de voitures tournant à folle allure sur un circuit.
Mika Taanila, réalisateur
Avanto – Helsinki Media Art Festival, fondé en 2000, se veut une vitrine internationale, à Helsinki, du cinéma d’avant-garde et de la nouvelle musique expérimentale. Le réalisateur Mika Taanila est responsable, depuis le début du festival, de la programmation des films et vidéos présentés. www.avantofestival.com.
Eino Ruutsalo : Kineettisiä kuvia (« Images cinétiques », 1962, 7 min.)
Eino Ruutsalo : Kotka (« L’Aigle », 1962, 7 min.)
Eino Ruutsalo : Kaksi kanaa (« Deux poules », 1963, 4 min.)
Eino Ruutsalo : Hyppy (« Le Saut », 1965, 5 min.)
Eino Ruutsalo : ABC 123 (1967, 5 min.)
Eino Ruutsalo : Food (« Nourriture », 1968, 5 min.)
Eino Ruutsalo : Tämäkö on Teddy-karhun maailma? (« Est-ce là le monde d’un ours en peluche ? », 1969, 10 min.)
Pasi « Sleeping » Myllymäki : Hyvää yötä (« Bonne nuit », 1978, 7 min.)
Pasi « Sleeping » Myllymäki : Sleeping (« Endormi », 1979, 1 min. 25 s.)
Pasi « Sleeping » Myllymäki : Horizontal (1979, 3 min.)
Pasi « Sleeping » Myllymäki : 3000 autoa (« 3000 voitures », 1980, 3 min.)
Pasi « Sleeping » Myllymäki : Ele (« Geste », 1981, 2 min.)
Pasi « Sleeping » Myllymäki : Viisi reikää selluloidissa (« Cinq trous dans le celluloïd », 1980, 2 min.)
Pasi « Sleeping » Myllymäki : Värityskirja. Nyt! (« Colorialypse. Now ! », 1980, 3 min.)
Pasi « Sleeping » Myllymäki : Murra murra (« Hop hop ! », 1985, 3 min.)
Timo Aarniala, Pirjo Honkasalo, Anki Lindqvist, Timo Linnasalo, Inger Nylund, Erkki Seiro : The Whole Truth and Nothing But The Truth (« Toute la vérité et rien que la vérité », 1968, 3 min.)
Erkki Kurenniemi : Flora & Fauna (« Flore et Faune », 1965, 6 min.)
Eino Ruutsalo : Kinescope (1960-91, 11 min.)
Sami van Ingen : Kaikki Suomen poliisit (« Tous les policiers de Finlande », 1987, 8 min., 35mm)
Seppo Renvall : Vapautemme hinta (« Le Prix de notre liberté », 1991, 10 min., 16 mm)
Mikko Maasalo, Denise Ziegler : Pyhä yksinkertaisuus (« Sainte simplicité », 1991, 3 min., 16 mm)
Seppo Renvall : Päivän kehrä (« Le Disque du soleil », 1993, 3 min., 16 mm)
Ilppo Pohjola : Routemaster (1999, 17 min., 35 mm)
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